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Innovation et gouvernance : l'art de manager l'innovation


La Libra : la monnaie qui libère.

Facebook a annoncé en juin dernier le lancement prochain de sa cryptomonnaie, la Libra. Sécurisée par la technologie de la blockchain, cette monnaie sera adossée à un panier de devises qui en assurera la stabilité.

Qu’apprend-t-on sur le site Libra.org ? Que la Libra, c’est « l’argent réinventé, une économie mondiale transformée, une meilleure qualité de vie pour tous, une devise et une infrastructure financière mondiales simples, au service de milliards de personnes ». Bref la Libra est une monnaie libre des institutions et qui libère les utilisateurs.

Comment gouverner l’innovation ?

Cette promesse de liberté n’est bien sûr pas du goût de tous. Comme dans toutes les révolutions, les pouvoirs en place (responsables du Congrès US, patrons de banque, compagnies de cartes de crédit...) ne souhaitent pas abandonner leurs prérogatives.

Mon propos n’est pas ici de gloser sur l'altruisme de Mark Zuckerberg. Ce qui m’intéresse dans cette actualité, c’est l’attention particulière à communiquer sur la gouvernance de cette cryptomonnaie : publication d’un livre blanc, lancement du site internet libra.org, conférences, rencontres de personnalités. Bien sûr, ce travail de fond est nécessaire pour promouvoir la Libra et surtout convaincre des bonnes intentions des mastodontes financiers associés au projet (Facebook, Amazon, Free, Google …). Mais à lire le Livre Blanc, des points essentiels de gouvernance apparaissent. Citons par exemple :

Gouvernance par une organisation indépendante à but non lucratifGestion transverse par chaque membre fondateur qui opère l’un des nœuds de validation formant le réseauUn représentant de chaque membre de l’association au conseil d’administrationDroit de vote plafonné pour chaque membre de l’association afin d’éviter la concentration du pouvoirDéveloppement de programmes de subventions à impact social pour soutenir l’inclusion financière dans le monde entier

Ce qu’a compris Mark Zuckerberg, c’est que la réussite de son projet passe d’abord par une gouvernance partagée.

Comment partager l’innovation ?

L'innovation peut être partagée entre plusieurs entreprises et laboratoires de recherches. C'est ce qu'ont initié les pouvoirs publics en créant les pôles de compétitivité. Dans une économie mondialisée, ceux-ci permettent de fédérer les énergies et conquérir des marchés qui n’auraient pas été accessibles par des entreprises seules.

Les pôles de compétitivité aident à soutenir l’innovation, favoriser le développement des projets collaboratifs de recherche et développement et créent ainsi de la croissance et de l’emploi.


Partager l’innovation en interne présente aussi bien des avantages. Elle valorise les équipes, crée une culture commune, inscrit l'histoire de l'entreprise durablement dans une modernité bien vécue. Mais il faut un préalable à une réussite commune: l'engagement de la direction.


Marquardt Group propose une grande variété de systèmes de contrôle pour l’automobile et l'industrie. Ce groupe qui est passé de 500 M€ à 1Md.€ en une dizaine d’années doit en grande partie son développement à l’innovation. Pour ce faire, la direction oriente la politique d'innovation, l'encourage, la cadre et l'organise. Des opérateurs sur lignes de montage aux ingénieurs, tous sont invités à effectuer des propositions d’innovations. Elles suivent un process de validation et de suivi de réalisation. Des tableaux de bord communiquent régulièrement le nombre d’idées émises, retenues, rejetées. Chaque projet est qualifié quantitativement et qualitativement. Des primes spécifiques sont attribuées aux initiateurs de projets innovants réalisés selon des critères connus de tous. L’ensemble du process s’effectue dans une grande transparence. La stratégie d’innovation de la direction générale est donc rendue lisible et les équipes sont alignées sur celle-ci.


L’innovation fait aussi partie des 5 valeurs essentielles du groupe SEB. Elle est le résultat d’une démarche d’équipes pluridisciplinaires internes : marketing, design, R&D. Et aussi externes : clients, Ecoles supérieures, partenaires en co-développement et en distribution. Seb est ainsi devenu un acteur reconnu d’une stratégie proactive d’innovation ouverte. L’entreprise invite un ensemble d’acteurs pour intégrer un éco-système d’innovation et participer au développement de l’entreprise. Moins lisible dans les médias, afin d’éviter des critiques de green-washing, l’entreprise encourage aussi l’implication citoyenne des salariés. En agissant sur différents leviers d’innovation, non seulement marketing, R&D, financier mais aussi RSE, écologique, citoyen, le groupe SEB donne une transversalité à sa gouvernance et du sens pour ses acteurs au quotidien.

Comment innover dans sa gouvernance ?

Comme nous le voyons dans ces différentes entreprises, l’innovation Produit s’inscrit dans un mode de gouvernance qui valorise la communication, la transparence de l’information, le suivi des réalisations. Cela semble désormais bien naturel pour ces salariés. Pour de nombreuses autres entreprises, la culture du caché prévaut et laisse les salariés dans une expectative toxique.


Ce n’est certes pas la pratique d’André (*), dirigeant de PME tous terrains. Dans des situations de conduite de changement intense, ce manager de PME, une fois effectué un audit préalable, applique une innovation de rupture majeure pour bien des PME : dire la vérité. Après une phase d’incrédulité de la part des équipes, celles-ci doivent bien convenir que désormais la direction dit ce qu’elle va faire et fait ce qu’elle a dit, en rendant des comptes. Cette modification de la gouvernance change profondément l’adhésion des équipes au projet d’entreprise.


Ce partage maîtrisé et stratégique de l’information peut constituer un levier remarquable de gouvernance. Prenons, par exemple, un sujet sensible dont on peut penser qu’il ne peut se partager largement : la rémunération. Des boards mettent en place des comités de rémunération pour leurs membres. Mais peut-on faire la même chose pour l’ensemble du personnel ? C’est en tout cas le choix effectué par une ESN que j’accompagne, la société Web-Atrio : confier la décision de rémunération de l’ensemble du personnel à un comité dédié. On imagine mal confier aux salariés les décisions d’augmentation. Et pourtant cela fonctionne. Dans cette configuration, il n’est pas simple pour un salarié d’influencer, ou de partager son mécontentement éventuel, ses propres collègues.


Je reviendrai ultérieurement sur des structures de gouvernance qui remettent profondément en cause les organisations que nous connaissons. Mais la notion de gouvernance partagée me semble déjà être un facteur décisif dans la réussite d’une entreprise. Gouverner l’innovation, innover dans sa gouvernance : ce sont ces partages maîtrisés et stratégiques de l’innovation qui permettent à l’entreprise de structurer heureusement son développement.


(*) Pour des raisons de confidentialité, je ne peux nommer ce manager ni son entreprise.



Un très grand merci à Laurent Meynard (directeur général chez Marquardt Group), André Dot (directeur général chez Groupe SEB), Rémi Gaubert, Steve Ferrero, et Wojtek Jamka (dirigeants chez Web-Atrio), André (manager de retournement dans une entreprise du secteur du luxe) qui ont partagé leur temps et leur expertise.

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