LE CASH : UN DEFI POUR LES PME
- Gilles FUENTES
- 18 avr. 2024
- 4 min de lecture

Gérer le cash : « Il est l’or… »
Une entreprise en forte croissance dans laquelle j’intervenais récemment voyait sa trésorerie diminuer de façon dangereuse, au point de mettre en difficulté le financement de son développement. Les recrutements nécessaires à la réalisation de nouveaux contrats étaient interrompus faute de pouvoir régler les salaires.
L’essor de l’entreprise et ses succès commerciaux réels monopolisaient le temps des managers au dépens d’une bonne gestion des flux de cash.
Je vous rappelle donc quelques principes de base.
Le cash : un défi pour les PME
Les PME font face à plusieurs défis en matière de gestion du cash : retards des paiements clients, raréfaction des prêts bancaires, hausse des taux d’intérêt, tunnel d’investissements de l’innovation, volatilité des coûts de matière et d’énergie …
Le calcul de risques que vous faites prendra en compte ces différents défis afin de ne pas vous retrouver à court de carburant en vol.
La direction financière veillera donc non seulement à établir et suivre le budget d’exploitation de l’entreprise mais aussi à traduire ce budget en prévisionnel de cash. Son objectif est de donner l’information nécessaire pour cadencer l’activité et les investissements.
Un enjeu majeur des contrats commerciaux : négocier le cash
La gestion du cash n’est pas seulement une affaire de financiers. Un des premiers acteurs pour une bonne gestion du cash est le commercial.
Souvent la complexité de la vente fait évacuer trop rapidement la négociation des règlements. L’enjeu n’est pas seulement de négocier un règlement à 45 jours, par exemple, mais il faut se renseigner et comprendre l’ensemble du circuit d’approbation des factures chez le client. Vous veillerez ainsi à :
· recueillir les noms, les coordonnées et les rôles des différents acteurs de la chaîne administrative, et pas seulement ceux de la comptabilité fournisseurs,
· connaître le délai d’intervention de chacun des acteurs,
· rencontrer, si possible, ces acteurs et expliquer la nature de la prestation qui va être rendue,
· sensibiliser chacun de ces acteurs à la bonne exécution des délais de règlement pour une bonne réalisation des prestations,
· comprendre ce qui pourrait arrêter les règlements chez le client : inexactitude de la référence du bon de commande, transfert des informations entre une filiale située à l’étranger et le siège en charge des règlements, défaut dans le circuit d’approbation, changement du système de gestion chez le client qui met en souffrance les factures en-cours…
Ne soyons pas dupes, parfois certains groupes feront en sorte de rendre opaque le circuit pour allonger les délais de règlement.
Directeur financier, directeur général, vous formerez, sensibiliserez les équipes, expliquerez l’enjeu majeur de cet aspect du contrat. Ce sera aussi l’occasion d’entendre et de construire des réponses aux difficultés rencontrées par vos équipes commerciales.
En fait, les modalités de règlement de vos contrats font partie intégrante de votre offre de produits ou de services. Et il faut construire avec vos équipes commerciales un argumentaire en conséquence.
Faire évoluer les modèles économiques
Un des grands gagnants de nouveaux modèles économiques est la vente de solutions en mode Saas : les paiements s’effectuent à terme à échoir, c’est-à-dire avant que la prestation soit rendue. En outre le délai entre l’arrêt de l’interruption du règlement et la fourniture du service peut-être immédiat.
Toutes les prestations ne peuvent bien sûr pas être vendues sur ce modèle. Mais on aura tout intérêt à initier une réflexion systématique sur le moyen d’en approcher au plus près.
Pour les sociétés qui facturent autrement -à l’avancement du projet, par exemple-, une stratégie claire sera déterminée. Et l’on ne doit pas attendre l’accident industriel -la défaillance du client- pour la mettre en œuvre. Je vois encore trop de missions commencer sans qu’un bon de commande venant détailler le contrat cadre soit approuvé. Rappelons-nous que si vous avez un projet d’affacturage, l’ensemble des documents sera nécessaire : contrat, bon de commande, réception des travaux…
Un financement pour chaque actif
Il y a quelques années, recourir à l’affacturage étaient une solution peu appréciée. Aujourd’hui les banques n’apprécient plus de financer le bas de bilan par un recours à du financement long ou moyen terme.
En bon économiste, elles recommandent de financer le Besoin en Fonds de Roulement généré par le poste client en donnant en garantie ce poste client.
Certes ce mode de financement ne répond pas à tous les cas (clients étrangers, entreprises à l’historique trop fragile). Mais dès que cela est possible, on analysera le rapport bénéfice/risques d’un tel mode de financement.
Revoir les procédures de facturation et de recouvrement
Un des avantages de l’affacturage est de pouvoir déléguer aussi le recouvrement. J’ai rarement observé des procédures aussi systématiques adoptées par des sociétés que celles pratiquées par des factors.
Quand bien même la délégation de la facturation et de son recouvrement n’est pas souhaitée, la PME aura tout intérêt à s’inspirer de ce que font les factors : annonce de la facture à venir, émission de la facture, 1er rappel téléphonique au bout de 5 jours, 2ème rappel par courrier après 10 jours + nouvel appel téléphonique, mise en recouvrement après 15 jours… On gardera à l’esprit que ce travail est chronophage et nécessite des ressources internes suffisantes et libres d’une pression commerciale interne.
Les outils de gestion de cash
Longtemps la gestion financière s’arrêtait à la comptabilité. Il n’est que de voir l’insuffisance sur le sujet de la gestion du cash de la majorité des outils comptables y compris des ERP.
On peut alors réaliser des prévisions tendancielles de cash à partir d’Excel. Mais ceci ne convient que pour des PME dont l’activité reste modeste.
Dès que l’entreprise devient un peu complexe, je le déconseille. Désormais, nous trouvons pour ce faire des outils puissants : Régate, Agicap, Cegid… Le problème de la majorité de ces outils est qu’ils sont insuffisamment connectés à l’exploitation comptable de la société.
En fait, les directeurs financiers ont bien deux volets de reportings financiers à élaborer :
- L’exploitation de l’entreprise, réalisée à partir de l’outil comptable, et qui permet de suivre l’exploitation de l’entreprise et sa profitabilité, sous réserve d’une comptabilité analytique,
- La gestion du cash, qui permet de cadencer l’activité et les investissements en suivant les flux de trésorerie.
Quelles leçons tirer ?
Quelques points à retenir de notre propos :
· La gestion du cash est une affaire stratégique et collective. Elle concerne l’ensemble des acteurs de l’entreprise et pas seulement les services financiers.
· La gestion du cash amène à questionner le modèle économique de l’entreprise et ses possibles évolutions,
Dès qu’un certain niveau d’activité est atteint, la mise en place d’outils spécifiques pour assurer le suivi du cash et son reporting est recommandée.
Gilles Fuentes
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